Un extrait de l’Iliade, chef d’œuvre européen

Je viens de lire pour la première fois l’Iliade, sûrement le livre que j’aurais du lire en premier dans ma vie. Voici un extrait qui m’a particulièrement touché.

J’avais déjà écrit un article sur L’Iliade et l’Odyssée – L’analyse d’un chef d’œuvre. Cet ouvrage est non seulement beau au point de vue de son écriture, mais aussi est rempli de sens et de valeurs qui nous manquent et devraient nous inspirer davantage aujourd’hui.

Cet extrait sélectionné raconte la bataille entre Hector et Ajax (Hektôr et Aias dans l’œuvre). Il témoigne du courage des hommes, mais aussi d’un certain sens de l’honneur entre ces deux personnages. Hector explique à son adversaire qu’il est important pour lui de se mesurer à l’autre en face à face et non par surprise, surtout lorsqu’il s’agit de deux grands combattants comme ceux-ci.

La bataille commence et fait rage et elle est racontée toute en beauté. Tout au long de l’Iliade, nous pouvons remarquer que les hommes étaient souvent nommés par leur prénom et par un adjectif comme « Hektôr au casque mouvant », « Aias, prince des peuples ». Ils sont aussi nommés les Akhaiens ou les Priamides pour faire référence à leur peuple.

Ensuite, on peut lire que les Dieux font partie intégrante de la vie des anciens Grecs. Ils interviennent pendant le combat comme Apollôn qui relève Hektôr ou même lorsque la parole divine de Zeus conseille aux hommes d’arrêter de se battre, car la nuit apparaît.

Finalement, l’Iliade, c’est l’histoire des relations entre les hommes, entre les Dieux, entre les Dieux et les hommes. C’est l’histoire d’un peuple dirigé par les mêmes Dieux et qui partagent les valeurs du courage, de la force, du respect des traditions, mais aussi un peuple qui se laisse perdre dans l’hubris, l’excès et qui rappelle le véritable sens du connais-toi toi même, le fait de connaître sa place et ses limites et le prix à payer si on veut se mesurer aux Dieux.

Iliade

Commence donc le combat.
Et Hektôr au casque mouvant lui répondit :
Divin Aias Télamônien, prince des peuples, ne m’éprouve point comme si j’étais un faible enfant ou une femme qui ignore les travaux de la guerre. Je sais combattre et tuer les hommes, et mouvoir mon dur bouclier de la main droite ou de la main gauche, et il m’est permis de combattre audacieusement. Je sais, dans la rude bataille, de pied ferme marcher au son d’Arès, et me jeter dans la mêlée sur mes cavales rapides. Mais je ne veux point frapper un homme tel que toi par surprise, mais en face, si je puis.
Il parla ainsi, et il lança sa longue pique vibrante et frappa le grand bouclier d’Aias. Et la pique irrésistible pénétra à travers les sept peaux de bœuf jusqu’à la dernière lame d’airain. Et le divin Aias lança aussi sa longue pique, et il en frappa le bouclier égal du Priamide; et la pique solide pénétra dans le bouclier éclatant, et, perçant la cuirasse artistement faite, déchira la tunique sur le flanc. Mais le Priamide se courba et évita la noire Kèr.
Et tous deux, relevant leurs piques, se ruèrent, semblables à des lions mangeurs de chair crue, ou à des sangliers dont la vigueur est grande. Et le Priamide frappa de sa pique le milieu du bouclier, mais il n’en perça point l’airain, et la pointe s’y tordit et Ajas. bondissant, frappa le bouclier, qu’il traversa de sa pique; et il arrêta Hektôr qui se ruait, et il lui blessa la gorge, et un sang noir en jaillit. Mais Hektôr au casque mouvant ne cessa point de combattre, et, reculant, il prit de sa forte main une pierre grande, noire et rugueuse, qui gisait sur la plaine, et il frappa le milieu du grand bouclier couvert de sept peaux de bœuf, et l’airain résonna sourdement. Et Ajas, soulevant à son tour une pierre plus grande encore, la lança en lui imprimant une force immense. Et, de cette pierre, il brisa le bouclier, et les genoux du Priamide fléchirent, et il tomba à la renverse sous le bouclier. Mais Apollôn le releva aussitôt. Et déjà ils se seraient frappés tous deux de leurs épées, en se ruant l’un contre l’autre, si les hérauts, messagers de Zeus et des hommes, n’étaient survenus, l’un du côté des Troiens, l’autre du côté des Akhaiens cuirassés, Talthybios et Idaios, sages tous deux. Et ils levèrent leurs sceptres entre les deux guerriers, et Idaios, plein de conseils prudents, leur dit :
Ne combattez pas plus longtemps, mes chers fils. Zeus qui amasse les nuées vous aime tous deux, et tous deux vous êtes très braves, comme nous le savons tous. Mais voici la nuit, et il est bon d’obéir à la nuit.
Et le Télamônien Aias lui répondit :
Idaios, ordonne à Hektôr de parler. C’est lui qui a provoqué au combat les plus braves d’entre nous. Qu’il décide, et j’obéirai, et je ferai ce qu’il fera. Et le grand Hektôr au casque mouvant lui répondit :
Aias, un Dieu t’a donné la prudence, la force et la grandeur, et tu l’emportes par ta lance sur tous les Akhaiens. Cessons pour aujourd’hui la lutte et le combat. Nous combattrons de nouveau plus tard, jusqu’à ce qu’un Dieu en décide et donne à l’un de nous la victoire. Voici la nuit, et il est bon d’obéir à la nuit, afin que tu réjouisses, auprès des nefs Akhaiennes, tes concitoyens et tes compagnons, et que j’aille, dans la grande ville du roi Priamos, réjouir les Troiens et les Troiennes ornées de longues robes, qui prieront pour moi dans les temples divins. Mais faisons nous de mutuels et illustres dons, afin que les Akhaiens et les Troiens disent : ils ont combattu pour la discorde qui brûle le cœur, et voici qu’ils se sont séparés avec amitié.
Ayant ainsi parlé, il offrit à Aias l’épée aux clous d’argent, avec la gaîne et les courroies artistement travaillées, et Aias lui donna un ceinturon éclatant, couleur de pourpre. Et ils se retirèrent, l’un vers l’armée des Akhaiens, l’autre vers les Troiens.