Un livre que nous devrions tous lire une fois dans sa vie pour comprendre la valeur de la vie et l’horreur de la guerre vécue par des millions d’hommes morts au combat.
Aujourd’hui, nous sommes assis bien au chaud dans notre canapé, rassasiés par un souper bien copieux, dans une habitation confortable et dans un état providence gavés par le divertissement avec une vie plutôt tranquille. Parfois si tranquille même qu’on en vient à se créer des problèmes qui n’ont plus aucun sens.
Pourtant, nous oublions qu’il n’y a pas si longtemps, deux des guerres les plus meurtrières ont eu lieu, celles que nos grands-parents ou nos arrières grands parents ont vécu, que ce soit en tant que civil ou en tant que soldat.
Ernst Jünger était l’un d’entre eux. Il raconte dans cet ouvrage son témoignage en tant que soldat allemand, il détaille le cauchemar vécu par ces hommes envoyés au front pour se faire massacrer, torturer ou laminer par un orage d’acier comme l’appelle l’auteur, cette pluie de bombes incessante qui tombe sur ces hommes et leurs camarades.
Ils n’avaient certainement pas envie de mourir, mais ils ne voulaient pas non plus abandonner leurs frères d’armes. Leur courage était exemplaire et nous devrions penser à eux et à leur sacrifice pour garder notre civilisation forte, solide et unie contre la faiblesse, la folie et l’individualisme.
Jünger a été considéré comme un héros militaire, blessé quatorze fois au combat, il reçut l’Ordre pour le Mérite, la plus haute distinction dans l’armée allemande. Il dédie son œuvre aux combattants français, pour prôner la paix et pour que cette expérience ne se reproduise plus jamais.
Voici quelques extraits de cette vie dans les tranchées qui m’ont interpellé:
« Le pire, c’était l’ennui, plus énervant pour le soldat que la proximité de la mort. Nous espérions une attaque (..) »
« Toute la détresse de la guerre se concentrait dans la grande salle d’opération. Les médecins remplissaient devant une file de tables leur sanglant office. Ici, c’était un membre qu’on sectionnait, là un crâne qu’on trépanait, ou un pansement collé au corps qu’on défaisait. Des gémissements et des cris de douleur remplissaient la pièce inondée d’une lumière impitoyable, tandis que des infirmières en blanc couraient affairées d’une table à l’autre, portant des instruments ou de la charpie. »
« Quand la nuit fut venue, on me porta jusqu’à Nurlu sur un brancard. Le capitaine vint m’y prendre en auto. Sur la route, que balayaient les projecteurs de l’ennemi, le chauffeur serra subitement le frein. Un obstacle sombre nous barrait le chemin. « Ne regardez pas! » me dit Böckelmann, qui avait passé son bras autour de moi. C’était un groupe d’infanterie, avec son chef, qui venait d’être écrasé par un coup de plein fouet. Les camarades étaient unis dans la mort comme des dormeurs paisibles. »
« J’étais vivement préoccupé d’un roman de quatre sous en langue française, Le Vautour de la Sierra (..): Un grand cœur ne sent pas d’horreur devant la mort, à quelque instant qu’elle vienne, pourvu qu’elle soit glorieuse. »
« La force du tir de barrage était terrifiante; j’avoue qu’elle dépassait même mes imaginations les plus audacieuses. Un mur de feu oscillait, jaune, devant nous; une grêle de mottes de glaise, de bouts de tuiles et d’éclats d’acier pleuvait sur nous et faisait jaillir des casques des étincelles claires. J’avais le sentiment que la respiration était devenue plus pénible, comme si l’air, dans une atmosphère saturée de fer massif, n’était plus tout à fait suffisant pour les poumons. Je fixai longtemps du regard ce chaudron infernal, qui avait pour limite visible la flamme aveuglante au trou des canons des mitrailleuses anglaises. L’essaim aux mille têtes de ces projectiles qui s’abattaient sur nous était imperceptible pour l’oreille. »
« On ne connaît bien un homme que lorsqu’on l’a vu au combat »
« Un homme arriva pour me prévenir que mon frère était couché blessé dans un abri voisin. (..) Je courus à travers une clairière, pris sous un feu précis d’infanterie, et j’entrai. Quelle rencontre! Il était étendu dans une pièce où flottait un fumet de cadavres, au milieu d’une foule de blessés graves. Je le trouvai bien mal en point. (..) Nous nous serrâmes la main et échangeâmes nos récits. (..) Je me sentais, à la fois, représentant de notre mère, et responsable devant elle du sort de mon frère. »