J’ai vu récemment ce film au succès sorti en 1989. Il est très beau visuellement, c’est certain. Mais ce film est-il aussi magnifique que veulent nous faire croire les critiques?
Avant tout, je remercie les amis qui nous invités à voir ce film. La soirée fut très bonne et la compagnie agréable. Cette analyse n’implique que moi et il est possible que j’ai les idées tordues mais tant pis, j’assume.
« Quel beau film »
« Le Cercle des Poètes disparus » est un film très joliment réalisé, nous ne pouvons pas le nier. Les acteurs jouent très bien, nous y retrouvons feu Robbin Williams dans le rôle du professeur Keating, l’anticonformiste, ainsi que Robert Sean Leonard et Ethan Hawke jouant les étudiants de la prestigieuse école de Welton.
Welton est une école d’élite, le film commence d’ailleurs avec une cérémonie arborant les valeurs de l’institution qui sont l’Honneur, la Tradition, la Discipline et l’Excellence. L’histoire du film raconte l’histoire d’un groupe d’étudiants qui rencontrent le professeur Keating ‘Robbin Williams qui leur apprend à refuser le conformisme, s’épanouir personnellement, rechercher la liberté individuelle et à vivre selon l’adage du « Carpe Diem ».
La photographie du film est superbe, la bande-son ravive des sentiments à la fois tristes et drôles, les acteurs jouent parfaitement, les décors sont splendides. On en a plein les yeux et plein les émotions, le film passe tout seul et il reçoit même plusieurs prix dont l’Oscar du meilleur film en 1990. Mais il y a un hic.
Un film qui prône le désespoir
Sous ses belles images et son message qui se veut bienveillant (encourager la liberté individuelle, c’est certainement difficile de lutter contre cette belle et grande idée), le film dévoile dans une de ses premières scènes un professeur qui explique à ses élèves qu« un jour, les vers vont nous manger. Chacun d’entre nous, un jour, s’arrêtera de respirer, deviendra tout froid et mourra. ». Voilà pourquoi il faut vivre selon l’adage du « Carpe Diem », c’est à dire, profiter de la vie au maximum, jouir de chaque instant, saisir le moment présent et essayer d’atteindre ses rêves personnels.
Quelle tristesse tout d’abord de prôner un message de mort et de refuser toute possibilité d’espérance après la mort. Selon le film, le plus important serait de se concentrer uniquement sur les plaisirs d’une vie terrestre, individuelle et instantanée. Le professeur Keating demande à ses élèves de se rapprocher d’une photographie d’élèves morts depuis plusieurs générations et il leur fait croire que si cette génération disparue pouvait parler, ce serait pour leur dire qu’il faut profiter de la vie au maximum sans se soucier du lendemain.
Soyez anticonformiste en pensant comme tout le monde
Le film réalisé en 1989 se veut révolutionnaire en promouvant la liberté individuelle et l’anticonformisme. Or, cette pensée est déjà la norme depuis principalement la Révolution française en 1789 et a été exacerbée avec la société de consommation depuis 1920 et d’autres phénomènes de société comme mai 1968 ou les déconstructivistes de 1980.
Voici quelques slogans de mai 1968 qui ont marqué les esprits de l’époque et sont encore très présents de nos jours:
– Il est interdit d’interdire
– Soyez réalistes, demandez l’impossible
– Je ne veux pas perdre ma vie à la gagner
– Vivre sans temps morts, jouir sans entrave
– Famille, je vous hais
À vrai dire, le véritable anticonformisme, aujourd’hui, serait de privilégier d’abord la famille et sa communauté ainsi qu’une vie frugale avec des limites avant de penser à sa propre personne et son propre plaisir infini.
Le véritable anticonformisme aurait été justement de prôner des valeurs dont se moque le film, c’est à dire la Tradition, l’Honneur, la Discipline et l’Excellence. Mais il n’aurait certainement pas eu autant de succès si cela avait été le cas.
Soyez libres, mais ne pensez que d’une seule manière
Dans une autre scène du film, le professeur commence la lecture du manuel de poésie proposé par l’école. Il commence à lire les premières lignes de l’introduction qui se veut être une étude scientifique sur la poésie. Keating demande alors à ses élèves de déchirer les pages de tout ce chapitre du manuel en disant que la poésie n’est pas une science qui s’étudie, mais plutôt un sujet qui se vit avec des émotions.
Ceci est paradoxal, car il envoie le message « Pensez par vous-mêmes » et en même temps il demande à ses élèves de ne penser uniquement comme il le fait en faisant disparaître d’autres opinions différentes. Si je vous disais qu’il s’agit d’une des caractéristiques d’un régime autoritaire, vous direz certainement que j’exagère.
Robbin Williams, le héros ou l’ennemi du film?
Mais comment en vouloir à Robbin Williams, avec sa tête de bon papa gâteau, son sourire jusqu’aux oreilles, ses grands yeux pétillants, son humour attachant. Forcément, c’est impossible de croire qu’une personne comme lui pourrait nous vouloir du mal, ce qu’il dit est forcément bon et ne pourrait pas être remis en question. Sa parole ne peut être qu’évangile, n’est-ce pas?
À la fin du film, une tragédie survient pour l’élève Neil Perry, un élève qui a cru trop fortement l’idée de son professeur. Keating a poussé chacun de ses élèves à profiter de la vie et à assouvir leur rêve personnel, et le rêve de Neil était de devenir acteur de théâtre. Son père n’étant pas d’accord avec ce projet, il devient si triste qu’il termine par se suicider avec un pistolet.
Le professeur Keating finit par être licencié de l’institution, car jugé comme responsable de cette situation. Mais le film est réalisé pour finalement faire passer Keating comme la victime de l’histoire, lui qui ne voulait que le bien de ses élèves. Et les véritables méchants seraient le père et le directeur de l’institution avec leurs valeurs conformistes et traditionnelles. Voilà comment de manière douce et subtile, un film renverse les valeurs et transforme le coupable en héros. L’apogée est la dernière scène du film où les élèves décident de monter sur leur banc pour rendre hommage à leur professeur chéri en l’appelant une dernière fois « Ô Capitaine! Mon capitaine ».
Conclusion
Le message du film est clair: les méchants de l’histoire sont l’école et l’image paternelle avec leurs valeurs de Tradition, d’Honneur, de Discipline et d’Excellence.
Cela me rappelle un autre film, « La Vague », un film allemand sorti en 2008 qui utilise exactement le même scénario, mais dans une école moderne où un professeur tente une expérience pour faire découvrir l’idée du conformisme à ses élèves. À la fin, un élève se suicide aussi, car il a aussi trop cru en son professeur. Mais ici, bizarrement, le professeur part en prison et est bien considéré comme celui qui porte le mauvais rôle dans l’histoire, et aucun élève ne le salue pour le féliciter. Ce que je trouverais ici plus logique vu le drame, mais que je n’ai pas compris pourquoi ce fut le cas dans le Cercle des Poètes disparus.
C’est comme s’il y avait deux poids, deux mesures entre finalement deux professeurs qui certes, poussent leurs élèves à penser autrement (ou plutôt comme eux ils le veulent), mais qu’un type de professeur est tout de même meilleur qu’un autre, même si un élève est mort dans les deux cas.