Voyager, c’est s’appauvrir culturellement

Plusieurs vont certainement tomber de leur chaise en lisant ce titre et pourtant, je vais vous prouver dans cet article que les voyageurs sont finalement des touristes comme les autres.

Pendant longtemps, j’ai aussi cru à ces belles phrases qu’on lit dans tous les magazines à la mode. J’ai aussi fait quelques voyages comme la fois où je suis allé vivre à Berlin avec 50 objets. Non pas que ce voyage ne fut pas intéressant et qu’il ne m’ait rien apporté, je force le trait naturellement en disant que voyager nous appauvrit. Je ne suis pas contre le fait de voyager et il y a certainement de bonnes choses à y trouver, des gens sympathiques à rencontrer, une culture générale à développer.

Mais c’est plutôt la croyance et l’exagération que nous accordons aux bienfaits forcément vertueux des voyages qui me posent problème. Et au-delà de ce phénomène, je crois même qu’il s’agit non pas d’un attrait pour la culture voisine, mais plutôt d’un rejet de notre propre culture considérée comme secondaire, vide ou inintéressante.

Voyager, c’est bien. Rester uniquement chez soi, c’est mal.

L’idée que nous nous faisons du voyage est devenue tellement utopique qu’elle est devenue la recette magique à tous nos problèmes. Vous vivez un moment difficile dans votre vie? Allez voyager. Vous venez de rompre avec votre copine? Allez voyager. Vous voulez devenir plus intelligent? Allez voyager. Vous avez deux semaines de vacances et vous ne savez pas encore quoi faire. Allez voyager. D’ailleurs, n’est-ce pas la première question qu’on nous pose avant de partir en congé: « tu pars quelque part? » Cela devient anormal de dire que nous restons chez soi, ou en tout cas dans les environs ou dans son propre pays. Oser dire qu’il y a déjà tant de choses à côté de chez nous avant d’aller voir ailleurs devient presque réac, voire facho.

Voyager est en fait presque devenu un marqueur d’identité moderne. Le citoyen moderne se doit de voyager et plus c’est loin, mieux c’est. C’est comme s’il gagnait des points dans l’échelle sociale même si finalement, acheter un billet en Espagne est devenu accessible à quasi toute la population.

Cette manière d’être est tellement vendue, la preuve en est que la presse et les blogs sur internet regorgent d’articles qui prouvent toutes ces fameuses vertus du voyage. En voici une petite sélection, et je vous promets avoir trouvé ces titres tels quels:

Le dernier article est sûrement l’un des plus étonnants. Nous pourrions presque croire qu’il faut préférer le voyage au mariage. Ne vous mariez plus, profitez de la vie, jouissez sans limites du monde moderne et de la consommation de masse, quel monde merveilleux n’est-ce pas.

Quelle différence entre un touriste et un voyageur

Le Robert définit le « tourisme » comme ceci: « Le fait de voyager, de parcourir pour son plaisir un lieu autre que celui où l’on vit habituellement. Faire du tourisme. Guide de tourisme. Avion, voiture de tourisme, destinés aux déplacements privés et non utilitaires.« 

Le « voyage » se définit quant à lui comme cela: « Déplacement d’une personne qui se rend en un lieu assez éloigné. Voyage d’agrément, d’affaires. Voyage de noces. »

Certains vont me dire « Mais voyager, cela n’a rien à voir avec le tourisme. Voyager, c’est découvrir une autre culture et s’enrichir personnellement ». Cette idée est vendue comme si passer un mois en Thaïlande ou faire le tour du monde allait nous transformer tout à coup en quelqu’un de plus intelligent et de plus sage.

Si tel était vraiment le cas, nous serions littéralement entourés de Mozarts, d’Einsteins et de Mères Térésa. Mais étrangement, je n’en vois pas beaucoup transformés après ces fameux voyages. Sauf s’ils sont devenus tellement humbles qu’ils ont décidé de cacher cette grande intelligence et cette sagesse si profonde pour revenir se fondre dans le monde réel et continuer à consommer des t-shirts fabriqués en Chine, regarder Netflix et rouler en trottinette.

Je me demande d’ailleurs comment Pasteur, Aristote, Archimède ou Isaac Newton sont classés parmi les plus grands scientifiques, eux qui n’ont certainement pas eu la chance de voyager autant que nous. Bizarre, bizarre.

« Volountourism » : entre volontariat et tourisme

Parce que le tourisme classique ne suffit plus, des agences proposent maintenant un service payant pour faire du volontariat à l’étranger. On estime à 1,6 million de personnes chaque année participant à ce genre de projet parce que « ça fait bien sur un CV » témoigne l’un d’entre eux dans le reportage de Chloé Sanguinetti, réalisatrice du documentaire The Voluntourist.

Je vous recommande cet article sur le site internet We Demain pour en savoir plus sur ce phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur ainsi que de visionner le reportage. Voyages humanitaires : gare aux arnaques du volontourisme

Pourquoi ne pas agir localement

Dans l’absolu, je n’ai rien contre des ONG qui participent au développement de projets humanitaires à l’étranger. La question que je me pose réellement, c’est pourquoi d’abord aider ce qui se trouve loin avant ce qui se trouve proche?

Je ne dis pas que c’est mal d’aider ce qui se trouve loin, mais si nous souhaitons donner son temps gratuitement pour faire une bonne action, n’y a-t-il pas assez de travail autour de nous pour commencer? Pourquoi certaines personnes ressentent une préférence d’aller aider une communauté qui se trouve à dix mille kilomètres de chez soi avant la sienne?

Peut-être est-ce plus facile d’aider quelqu’un qui est d’une ethnie et d’une culture différente parce que nous ne faisons pas réellement partie de son groupe. Peut-être est-ce plus difficile d’aider quelqu’un de proche et qui nous ressemble, car le risque d’être à sa place devient plus réel.

Ou mieux, certains pourraient dire que nous avons déjà tellement de chance dans notre pays et que tout va suffisamment bien qu’il est préférable d’aller voir ailleurs. Pourtant, les possibilités d’aider les siens et sa propre communauté locale sont encore très nombreuses. Notre société occidentale est même très loin d’être parfaite quand on pense aux personnes âgées isolées, aux personnes souffrant de maladie, au vide de sens, à la surconsommation qui épuisent les ressources naturelles (de notre pays et des autres soi dits en passant), aux familles qui se séparent, à l’individualisme exacerbé, à la criminalité montante, à la disparition des cultures et des identités locales, au refus de donner la vie.

Je cite quelques associations qui peuvent aider concrètement localement, juste en Belgique:

Dans tous les cas, je n’ai rien contre les personnes qui voyagent et font le tour du monde. J’en connais personnellement autour de moi et il ne s’agit pas des personnes dont je parle, mais de l’idée générale que voyager vous rend forcément plus intelligent, transforme votre âme et ne pas le faire serait presque un sacrilège.

Soyons honnête, est-ce réellement pour des raisons nobles que nous voyageons ou simplement pour le plaisir de découvrir de beaux paysages, rencontrer de nouvelles personnes, passer du bon temps et finalement participer à la surconsommation d’une certaine manière. Au moins, ce serait une explication honnête et juste.  Mais arrêtons de nous enfumer en mettant une couche de bonté par-dessus parce que nous n’assumons pas le fait d’aller au zoo et d’en prendre plaisir. D’ailleurs, si vous êtes fan, la Belgique possède l’un des plus grands parcs animaliers au monde: Pairi Daiza.

« L’homme n’a pas besoin de voyager pour s’agrandir, il porte en lui l’immensité. » Chateaubriand

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