Lundi, première journée de la semaine après l’annonce du gouvernement de fermer les écoles, les activités culturelles, les bars et les restaurants. C’est l’après-midi et je reviens des courses.
Sur la place Jourdan à Bruxelles, la friterie est encore ouverte. Je regarde par la fenêtre de chez Samantha. Dehors, je vois un homme marcher avec un masque. Au magasin, il n’y avait plus d’œufs. C’est presque la fin du monde. J’adore ça. C’est certain, c’est triste pour les gens qui vont mourir, parce qu’il va y en avoir un paquet. Mais après tout, des gens meurent tous les jours de cancers et d’arrêts cardiaques. Et puis, j’ai toujours détesté cette société endormie à coups de télévision et d’antidépresseurs. C’est pour ça que je suis parti il y a plus de trois ans maintenant. Pour devenir prêtre.
Depuis l’enfance, j’ai toujours eu envie de mettre de l’ordre dans ce monde. Je rangeais ma chambre de manière militaire. Et à l’école, je rendais justice aux innocents. Je me souviens de ce moment avec mon meilleur ami Antoine à l’école primaire, on avait dix ans quand il s’est fait voler sa casquette Power Ranger par Raf, le colosse de la classe. C’était plus fort que moi, il fallait que je réagisse alors je lui ai cassé les dents avec la perforatrice de madame Julie. Déjà à ce moment, j’étais contre les injustices.
J’observe un oiseau qui vient se poser sur la fenêtre. Je passe un coup de téléphone à Antoine. Il travaille dans un restaurant de la capitale, une crêperie bretonne. « Le resto est fermé pour trois semaines minimum. C’est la misère. L’état va aider, mais c’est pas ça qui va empêcher les faillites. Saleté de Corona virus. » Il est furieux et pourtant il relativise. « Il faut continuer de vivre. Il faut garder le sourire. »
Je crois qu’il est temps de remettre un peu de justice dans tout ça. Il va falloir arrêter l’épidémie d’une manière ou d’une autre. Et j’en ai marre de ces gens qui me toussent dessus dans la rue. Derrière moi, je vois le bureau de Samantha. Je vois sa perforatrice.
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