Les mystères de la gauche – Jean-Claude Michéa

Lorsque nous pensons gauche politique, nous pensons socialisme et protection du petit peuple. Mais à vrai dire, la gauche moderne n’a plus rien à voir avec cela. Dans son livre, Jean-Claude Michéa nous explique cela de manière simple et limpide.

Avant-propos

Le monde moderne est voué à la mobilité perpétuelle et au déracinement généralisé. Au 19e siècle, une société socialiste était libre, égalitaire et conviviale. De nos jours, ce n’est plus le cas.
 

À l’origine

Nous vivons désormais dans un monde dominé par le libéralisme, un système finalement déshumanisant, inégalitaire et écologiquement prédateur.
Depuis mai 68, la nouvelle gauche prône la mobilité permanente, le déracinement des individus, la révolution incessante. Avant cela, la droite représentait l’aristocratie terrienne et la hiérarchie catholique. La gauche, elle, était en fait la classe moyenne, la petite et la grande bourgeoisie industrielle et libérale.
 
C’est lors de l’affaire Dreyfus que les organisations socialistes acceptent de négocier avec leurs anciens adversaires de la gauche parlementaire pour empêcher un coup d’État de la droite monarchique et cléricale. Cet acte est la naissance de la gauche moderne et de la confusion avec le socialisme ouvrier. Elle sera considérée comme le « camp du progrès » et placée aux côtés de la philosophie des Lumières.
 
Aujourd’hui, on n’ose pas remettre en question l’usage politique du mot «gauche» chargé d’une glorieuse histoire politique jusqu’en 1945. Elle est devenue un marqueur identitaire aux propriétés quasiment religieuses.
 

Le libéralisme

Cette gauche une fois créée a ainsi développé le système libéral. Dans cette société libérale, les marchandises ne sont plus fabriquées par rapport à leur utilité réelle, mais pour être vendues. La société capitaliste, à partir de 1920, se fonde alors sur le crédit, l’obsolescence programmée et la propagande publicitaire.
 
De nos jours, il est possible de créer des technologies durables (comme l’ampoule à filament de la caserne de pompiers en Californie toujours active depuis 1901), mais ceci est non compatible avec le capitalisme.
 
Nous sommes passés de la valeur d’usage réelle au statut de gadget. Nous créons des pseudo-besoins fabriqués par la mode, la publicité et le divertissement. La crise des «  débouchés » est intrinsèque au capitalisme et liée à l’ère de la consommation et du crédit. Il faut être libre de produire, de vendre ou d’acheter tout ce qui est susceptible d’être vendu.
« Il faut vendre n’importe quoi à n’importe qui » – Friedrich Hayek
Le monde est dévasté par le béton, l’agriculture industrielle, les déchets nucléaires, l’automobile, les transports aériens et les gadgets technologiques inutiles et aliénants.
La sacro-sainte «croissance» n’est autre que le prête-nom de l’accumulation illimitée du capital, la croyance du développement infini. La gauche est considérée comme le «parti de demain» (Zola), tout pas en avant est toujours par définition un pas vers la bonne direction. Il est impossible pour le militant de gauche d’admettre que les choses étaient mieux avant.
Nous vivons dans un monde dédié à l’émancipation individuelle et cela implique cette «déconstruction» tant prônée, qui consiste à nettoyer les écuries du passé.
« Le véritable socialisme s’oppose à l’individualisme »- Pierre Leroux
Dans la logique libérale, toutes les formes d’appartenance ou d’identité non librement choisies par un sujet (ex.: l’appartenance sexuelle ou l’apparence physique) sont considérées comme potentiellement oppressives et «discriminantes».
 
Un libéral ne se reconnaît jamais par sa patrie, mais dans un marché mondial sans frontières tel que la citation «Le monde est ma tribu» de Guy Sorman. C’est le self-man, il ne veut dépendre de rien sauf de lui-même.
 
Être de gauche, c’est se mobiliser, en toute circonstance pour défendre le droit libéral à chaque monade isolée (l’unité en métaphysique) un «principe de vie particulier et une fin particulière».
 

En résumé

Depuis 1970, dans tous les pays occidentaux, il se déroule une alternance unique entre une gauche et une droite libérale qui appliquent le programme économique de grandes institutions capitalistes internationales.
 
La gauche profite de son passé historique même si depuis, elle n’est plus alliée avec le mouvement ouvrier socialiste. Dans le socialisme originel, il y avait la logique du don et la triple obligation de donner, recevoir et rendre.
 
Notre société actuelle souhaite étendre à l’infini la sphère personnelle et anonyme des relations purement juridique et abstraite. Mais c’est lorsque l’être humain s’affranchit de tous les rapports nationaux, économiques, politiques, religieux et sexuels qu’il devient une machine impersonnelle et froide.
 
La droite moderne non plus n’a rien à voir avec la droite réactionnaire du 19e siècle qui voulait rétablir la monarchie et le pouvoir de l’Église. La droite moderne n’est en fait qu’une ancienne gauche bourgeoise.
 
La bourgeoisie de gauche a adopté un universalisme abstrait et veut s’imposer au peuple et aux plus modestes. Le libéralisme économique exige l’abolition par l’État de toutes les limites à l’expansion supposée naturelle du marché et de la concurrence. Le libéralisme culturel, lui, veut supprimer toutes les limites au profit du droit individuel et des minorités.
« Dans le libéralisme, chacun se défend et lutte pour soi-même contre tous »
 
Le système libéral ne peut croître et prospérer qu’en détruisant progressivement l’ensemble des valeurs morales auxquelles le petit peuple de droite est encore profondément attaché. Chacun se défend et lutte pour soi-même contre tous. Chacun voit dans autrui un ennemi qu’il faut écarter de son chemin ou tout au plus un moyen qu’il faut exploiter à ses propres fins.
 
La seule chose qui importe maintenant est de s’entendre sur une critique de la logique capitaliste qui soit philosophiquement cohérente pour y rassembler les classes populaires, la bourgeoisie, les classes moyennes supérieures et les «gens ordinaires» 

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