Je suis banquier et je démissionne

Après dix ans de métier, je décide de tout lâcher. Pour me libérer, pour être moi-même, pour vivre.

Banquier

Un merveilleux métier. On est à la fois comptable, médecin, curé, assistant social, agent immobilier, serveur de café, psychologue, conseiller conjugal, contrôleur du fisc, agent de voyage et vendeur de téléphones. On est celui qu’on adore et celui qu’on déteste. On est les rois du monde. Et on est aussi les premiers à baisser son pantalon pour conclure une affaire. Après dix ans, j’ai récolté assez d’anecdotes pour écrire une bible entière. Mais j’ai surtout appris à me connaître et j’ai évolué. Je me suis rendu compte que j’ai besoin de faire un break. Pourquoi? Car j’y trouve moins de plaisir. Je souhaite un job qui me passionne à tous niveaux, avec plus de libertés, plus de créativité, plus en accord avec mes valeurs. J’aurai peut-être du mal à trouver. Mais au moins, j’aurais essayé. Car je ne veux pas avoir de regrets quand les derniers jours de ma vie seront là.

En attendant, il y a du bon et du moins bon dans ce métier. Voici ce que j’en tire. Je tiens à le préciser, ce qui suit est un avis purement personnel et n’engage que moi. C’est parti !

Ce que j’adore

  1. Les clients
    Ils nous font rire. Ils nous font pleurer. Ils nous font transpirer. C’est le coeur du métier. On vit pour eux. On pense même parfois à eux quand on rentre à la maison. Un jour, un client m’a apporté des tomates de son jardin. Les meilleures de toute ma vie.
  2. Les collègues
    Ce sont nos compagnons de guerre. On partage tout avec eux. Les victoires, les défaites, les odeurs de certains clients, les ordres saugrenus de quelques capitaines. Quand on perd un collègue au combat, c’est dur. Très dur.
  3. La mission
    J’ai été engagé pour un but : aider les gens à réaliser leurs rêves. Quoi de plus beau? Préparer l’avenir de ses enfants, avoir son premier job, ouvrir un compte avec la personne qu’on aime, acheter une maison, créer son entreprise.
  4. L’environnement de travail
    Parmi les postes que j’ai occupés, j’ai eu la chance de travailler dans des espaces agréables cleandesk, rangés, lumineux, propres et de qualité.
  5. Travailler en costume
    J’avoue, je prends beaucoup de plaisir à m’habiller. Un costume, ça rajoute de l’élégance et du respect. On a l’impression d’avoir une mission importante. On est presque comme James Bond. Presque.
  6. Un confort financier appréciable
    En fonction des employeurs, j’ai pu profiter de nombreux avantages : salaire de base confortable, congés payés, double pécule de vacances, primes commerciales, chèques repas, voiture de société, notes de frais, heures supplémentaires récupérées, bank holidays, avantages en nature comme le téléphone, Internet et des invitations au restaurant, chèques cadeaux, assurance hospitalisation et assurance groupe. Il y a aussi l’alcool, la drogue et les parties fines, non négligeable.

Ce que je déteste

  1. La vision
    « More is better » : pour être heureux, il faut plus d’argent, plus de consommation, plus de crédits. Du court terme, du profit pour du profit, pas de réels engagements éthiques, environnementaux, durables ou sociétaux, du greenwashing. Je rêve d’une banque totalement transparente. Une banque qui ne s’engage à travailler qu’avec des entrepreneurs responsables.
  2. La réputation
    Rajoutons à cette vision les crises bancaires, faillites, blanchiments, participations aux fraudes fiscales, primes commerciales exorbitantes, la vente de mauvais produits au mauvais client et on obtient une belle réputation de criminels en cravate. Voilà avec quoi doit vivre n’importe quel banquier. Même celui qui se trouve dans la brousse loin de tout cela.
  3. Un secteur en pleine mutation
    Numérisation, concurrence croissante, marges qui se réduisent, licenciements, fermetures d’agences, clients qui changent. Le monde financier bascule complètement. Beaucoup de collaborateurs vivent dans l’instabilité et la crainte de voir perdre son job. Heureusement, les survivants ont droit à une pression commerciale de plus en plus forte et qui les mène au burnout.
  4. La complexité
    Procédures, règles légales, administratifs, produits nombreux, complexes et modifiés en permanence, programmes informatiques bricolés et autres joyeusetés de ce genre. Les banquiers sont des personnes surhumaines pour gérer tout cela à la fois. Et toujours dans la bonne humeur.
  5. Des banques dinosaures
    Mentalités conservatrices, évolutions très lentes, peur du changement et certains managers fermés aux initiatives. Une organisation pyramidale avec des prises de décisions uniquement du haut vers le bas. Sans faire appel aux idées collectives. Les collaborateurs sont pourtant les premiers à connaître le travail sur le terrain. Et ils sont les derniers à être mis au courant des modifications de procédures. À plusieurs reprises, j’ai proposé mes services gratuitement pour améliorer le bien-être des collaborateurs, l’expérience client et l’impact environnemental. Toutes ont été refusées. « On a le budget mais ce n’est pas notre priorité ». What ?
  6. De la vitamine D s’il vous plaît
    Il m’est arrivé de travailler dans un espace sans fenêtres, avec des néons qui font mal aux yeux, une mauvaise aération, un équipement qui tombe en morceau et au goût esthétique pas vraiment feng shui.
  7. Quelques autres détails
    – Les chiffres individuels : j’adore les challenges et la compétition. Mais je ne trouve pas cela pertinent quand on est une équipe.
    – Le phoning : faire vendeur de tapis par téléphone. Sauf que ce n’est pas du tapis.

Un nouveau départ

J’ai décidé de partir quelque temps à l’étranger. Pour me vider l’esprit. Pour redémarrer sur une page blanche. Je ne crois pas revenir vers ce métier même s’il ne faut jamais dire jamais. En attendant, je compte écrire une nouvelle page dans ma vie. Ou peut-être est-ce la première page.

Le blog continuera d’exister. Les articles seront toujours publiés avec une fréquence différente. Et puis, comment pourrais-je vivre sans le minimalisme ? C’est devenu ma plus grande passion. Je pars m’inspirer et vous ferai partager cette expérience !

Pour information, cet article est paru dans le journal financier belge L’Écho ici.

Commentaire sur l’article sept ans plus tard (le 29-06-2024)

Lorsque je relis cet article, je me rends compte que j’étais assez influencé par les idées dans l’air du temps à ce moment. Je disais rechercher un travail qui me passionne avec plus de libertés et de créativités, ce n’est pas toujours chose facile et je dirais qu’il s’agit d’un luxe voire d’une utopie. Le travail ne doit pas forcément être le lieu de l’épanouissement personnel, car la vie ne s’arrête pas là. De nombreuses personnes retrouvent une satisfaction dans leur vie privée, familiale et spirituelle et cela est tout aussi honorable.

« Vouloir repartir d’une page blanche » comme je l’ai écrit n’est pas forcément non plus une chose bénéfique, cela revient à l’idée de faire table rase, très souvent répandue de nos jours. Aujourd’hui, je recommanderais plutôt de garder ses acquis et de toujours partir d’où on vient. L’idée de l’atome libre qui peut se balader à son gré et pour son propre plaisir sans prendre en compte est une idée aussi dans l’air du temps que j’ai sûrement adopté sans m’en rendre compte.

Je ne regrette pas avoir pris la décision, car je suis là où j’en suis aujourd’hui grâce à cela. Mais cela ne veut pas forcément dire que je conseillerais la même chose avec le recul. Le plus important reste à mes yeux la communauté, sa famille, ses amis, le fait de construire du solide sur le long terme et de s’engager même si cela comporte des difficultés à traverser.

 

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